Nous entrons avec ce chapitre dans la dernière vision dont
Daniel a été l’objet. Comme les précédentes, elle touche à des événements qui
ont trait à la fin des temps. La révélation que reçut Daniel débuta par une
parole reçue. La vision la complétera ensuite. La vision ne se produira que par
suite du travail souterrain de la parole dans le cœur de Daniel. En effet,
saisi par la révélation que fut cette parole, le cœur de Daniel ne le laissa
pas en paix. Le message véhiculé par la parole reçue, une calamité, un grand
combat à venir, était si saisissant qu’il en éclipsa toute autre considération.
Dès lors, Daniel ne put penser à autre chose. Comme la vision précédente, la
parole reçue se traduisit en Daniel en prière et supplications. Daniel ne
pouvait plus ni vivre, ni faire comme les autres. Il se nourrit par nécessité,
mais toute recherche de plaisir le quitta. Une seule chose l’absorba et occupa
son être, le champ de ses pensées, la préoccupation de son cœur : la
parole reçue.
Il est impossible que la connaissance de Dieu, de Ses
projets ou de Ses desseins pour le monde ne laisse l’homme de Dieu indifférent.
Si, à l’écoute de la Parole de Dieu, nous ne sommes affectés en rien, se pose
pour nous la question de savoir si nous sommes ou non Ses serviteurs.
L’objectif de la parole révélée est de nous saisir. La révélation de la parole
de Dieu n’a pas pour but de meubler notre connaissance, mais de dominer et
d’orienter de manière décisive nos vies. Elle fait de nous, non seulement des
êtres qui savent, mais qui, désormais, sont responsables de ce qu’ils savent.
La parole de Dieu n’est pas morte. Elle est vivante et agissante, en premier
lieu dans le cœur de celui qui la reçoit. La conséquence directe en est que,
sous son influence, l’homme éclairé ne peut plus vivre comme auparavant. La
parole modifie le comportement. Elle imprime dans le cœur une gravité qui
évacue la légèreté.
Il serait mensonger de dire que la parole reçue de Dieu ne
procure que joie. Elle occasionne aussi beaucoup de souffrances, de douleurs
intérieures. La parole de Dieu communique le fardeau qui est le Sien, Sa
vision, Sa perception du monde. Elle nous fait entrer dans le combat, les
douleurs de l’enfantement du monde nouveau. Elle nous rend participants des
contractions qui produiront sa naissance. « La femme, lorsqu’elle
accouche, dit Jésus, a de la tristesse, parce que son heure est venue. Mais
quand elle a donné le jour à l’enfant, elle ne se souvient plus de la détresse,
tant elle a de la joie qu’un homme soit venu au monde : Jean 14,21. » Le temps prophétique est celui du
travail qui précède la naissance. C’est un temps limité de tristesse et de
souffrance qui laissera la place à un temps infini de vie et de joie. Que Dieu
nous donne d’être participants avec Lui des deux temps !
L’affliction qui saisit Daniel suite à la parole reçue ne
fut pas vaine. Elle suscita de la part de Dieu une réponse sous la forme d’une
vision. Daniel ne vit ni des anges, ni une représentation symbolique de
certaines réalités comme dans les visions précédentes. Il vit un homme, mais un
homme a l’aspect si peu ordinaire qu’il en défaillit. La vision de Daniel
rejoint celle que reçut Jean lorsqu’il vit Jésus glorifié à Patmos : Apocalypse 1,12 à 15. Les mêmes caractéristiques s’y
retrouvent : l’habit de lin, la force de la voix, l’éclat du visage,
l’intensité du regard, l’aspect du corps et des jambes… Le portrait que
dressent Daniel et Jean de Jésus glorifié témoigne de la double identité qui le
définit. Jésus a à la fois quelque chose de commun avec nous et avec Dieu. Il
est reconnaissable par les hommes comme étant l’un d’entre eux, mais Sa gloire
est telle qu’elle s’apparente à celle de Dieu.
La vision que reçut Daniel produisit en lui le même effet
qu’en Jean. Ayant vu Jésus, Jean tomba à ses pieds comme mort : Apocalypse 1,17. Daniel sentit quant à lui ses forces
le quitter à tel point qu’il s’écroula face contre terre. Aucun homme, si
spirituel soit-il, ne peut voir Dieu et vivre. Jean comme Daniel ne pourront se
tenir debout devant l’homme glorieux qui leur est apparu que par la puissance
de Sa main qui les fortifiera et les relèvera.
L’expérience vécue par Daniel témoigne de la corrélation
étroite qui existe entre les fardeaux que Dieu place sur nos cœurs par Sa
parole et la réalisation de Son dessein. Dieu veut nous rendre participants de
Ses projets. Il n’agit pas en ce qui concerne le monde de manière solitaire ou
arbitraire. Il ne fait rien, dit Amos, sans avoir pris soin de révéler son
secret à Ses serviteurs, les prophètes : Amos 3,7.
Croyons que si Dieu nous interpelle et nous charge d’un fardeau, ce n’est
aucunement pour nous laisser dans cet état. Il veut que Sa cause devienne la
nôtre. Il veut que ce qui L’occupe au plus profond de Lui-même devienne ce qui
nous occupe à notre tour. La parole reçue ou la vision ont pour objet, non de
nous informer, mais de nous mobiliser. Elles sont à la source de la prière, du
message que le prophète doit délivrer ou de l’action que l’apôtre doit
initier : cf Actes 16,9-10. Il nous faut
bénir Dieu pour les fardeaux qu’Il met sur nos cœurs. Ils sont la preuve de Son
appel. Que celui-ci ne reste jamais sans réponse, mais produise en nous et par
nous l’œuvre attendue !
Avant de lui communiquer les éléments de la vision touchant
aux événements qui se produiront pour Israël par la suite, l’homme qui apparaît
à Daniel prend le temps de partager avec lui son propre vécu depuis le moment
où le prophète s’est mis à prier. Unique dans l’Ecriture, le témoignage de l’homme
révèle l’interaction profonde qui existe, dans le domaine spirituel, entre ce
qui se vit dans le cœur de l’ouvrier que Dieu missionne pour être porteur de
Son message et ce qui se passe à son insu dans le monde invisible. L’effet de
deuil produit par la parole que reçut Daniel, d’une durée de trois semaines, n’est
pas le fruit du hasard. Il correspond avec exactitude au combat qui se
produisit dans le même temps dans le monde invisible entre l’homme dépêché vers
Daniel dès le premier jour de sa prière à Dieu et le chef de la puissance
persane qui s’opposa à lui. L’homme témoigne qu’il ne put mener à bien sa
mission que grâce à l’appui de Michel, un autre chef, identifié comme le prince
d’Israël.
La révélation peut laisser dubitatif. Elle confirme l’enseignement
donné par l’apôtre Paul au sujet du combat spirituel dans son épître magistrale
aux Ephésiens sur l’Eglise. L’Eglise, comme Israël, est le peuple de Dieu au
milieu de nations dominées par des puissances spirituelles hostiles. Le vrai
combat de l’Eglise ne se situe pas sur le plan humain, mais sur ce plan-là :
Ephésiens 6,12. La révélation donnée à Daniel
sous-entend que le vrai pouvoir pour chaque nation n’appartient pas aux hommes,
mais à des autorités invisibles. Le diable lui-même l’a affirmé à Jésus qui ne
l’a pas démenti. Il a domination sur les royaumes du monde entier et il la
donne à qui il veut : Luc 4,5-6. Les résistances
auxquelles fait face le Seigneur dans le monde invisible ne sont pas sans
incidence sur le vécu des serviteurs de Dieu. Elles affectent de manière intime
et profonde leur être, déjà assis dans les lieux célestes et connecté à Dieu
par l’Esprit : Ephésiens 2,6-7.
Il nous faut apprendre avec l’aide de Dieu à voir au-delà de
ce que nos yeux perçoivent. Nous sommes impliqués à part entière dans le combat
cosmique qui se déroule autour de nous. C’est par nous que Dieu a choisi de se
révéler au monde, au déplaisir des puissances occultes qui veulent le
contrôler. La révélation que Dieu donna à Daniel ne demande pas qu’il fasse
quelque chose de plus que ce que Daniel a fait. Elle lui est donnée pour qu’il
saisisse dans quelle dimension se situe le vécu douloureux qu’il connaissait.
Toutes les forces de la lumière et des ténèbres sont partie prenante du combat
qui se livre dans le monde spirituel. Rien ne se produit par hasard dans les
luttes que chacun traverse. Que Dieu donne à chaque membre de Son peuple l’acuité
spirituelle dont il a besoin pour saisir pleinement les enjeux dans lesquels se
situe sa propre vie !